PABLO URQUIZA

 

 

 

    versions  françaises de l'auteur

corrections de Béatrice Kohlstedt et Ghislaine Masset


 

 

 

                   infelices los pasos...

 

 

infelices los pasos en la casa

a sólo polvo hablando las baldosas

me he tomado cuatro veces mate

me he mirado sin en el espejo

cifrado el rostro cada pelo boca estreñimiento

no había dos para cerrar la puerta

no había tres para guardarme en uno

no había ni cinco para vino

 

y en cuatro patas bajo la cama

                                               el futuro perro

 

                           


 

             malheureux  les  pas...

 

 

malheureux les pas dans la maison

les dalles ne parlant que poussière

je me suis pris quatre fois du maté

je me suis regardé sans moi dans la glace

j’ai chiffré mon visage cheveux bouche contraction

il n’en était pas deux pour fermer la porte

il n’en était pas trois pour me faire un

il n’en était pas cinq* pour le vin

 

et à quatre pattes sous le lit

                                      le futur chien

 

 

 

 

 

        * Expression argentine voulant dire « je n’ai pas un sou »

 


 

                    Ella                                                                       

 

 

 

Pasa la noche

con sus cuerdas

animándome

 

Sin ella

sólo sé

nadar el alba

como un oleaje mudo

 

Tan amada es

que jamás llega

 

Canta

solitaria

mi flauta

una  vida

ajena

de tan mía

  

 

 

 

 

   


 

                        Elle

 

 

 

Passe la nuit

avec ses cordes

m’éveillant

 

Sans elle

je ne sais

que nager l’aube

comme une houle

de silence

 

Elle est tant aimée

que jamais elle n’arrive

 

Chante

solitaire

ma flûte

une vie

étrangère

tant elle est mienne

 


 

Tierra del cielo

 

El sueño y el olvido nos ofrecen

una ablución de amor: el jazmín

respira la primera vez en nuestra piel.

Tus ojos han de decir la creación:

no era sino una onda

y en su seno reposaban las formas;

no era más que el cielo dormido

entre las manos del aire

y en su asombro se mecían los vientos.

La Dordogne es hoy el río del Principio,

Eva, la panadera.

No lejos de aquí unos niños

extienden un mandala en una plaza.

Tus ojos han de decir la creación:

los labios de la mañana pronuncian el universo

en un café interior.

¡Círculos del día!

La habitación mayor del tiempo

presta oídos a una tonalidad cualquiera.

Una mujer te besa

Un hombre te mira

¡Círculos del día más que humanos!

¡Muros sensibles de la inteligencia amorosa casi perdida!

¡Milagro de miguitas que sostienen los gorriones!

Existencia de la rata, la cocina, la basura…

¡y las palabras que dan vida!

¡Bendición del azúcar familiar y humano!

Où est ici?  ¿dónde es aquí?

¿No es aquí la tierra del cielo?

Nos dormimos y la luna y las aguas

continúan su ciclo.

Nos despertamos y la aventura del alma se programa

también en el subte de mañana.

Pequeño sendero del alba, Maestro Geranio de Abril,

Piedras Indias de Tastil, díganme ustedes:

¿es el cuerno de la luna quien enamora a los cuervos?

(La radio del vecino proclama la buena nueva

y el Cristo ordena su medialuna y un côtes du rhône.

Un criminal juzga y condena a un semejante.

La Amazonia desaparece por televisión.

Un bol tibetano restablece las vibraciones

y la bolsa de Tokio está en alza y caída)

 Desaprender - desarreglar - confiar - crear:

Tus ojos han de decir la creación:

Cuidadosa carta del mundo

que guardamos y leemos en secreto:

¿No es aquí la tierra del cielo?

 

 

 

Texto original en francés.


 

Terre du ciel

 

 

 

L’oubli et le sommeil nous ont offert

une ablution d’amour : le jasmin

pour la première fois respire notre peau.

Tes yeux ont à me dire la création :

il n’était qu’une onde

et en son sein reposaient les formes ;

il n’était que le ciel endormi

entre les mains de l’air

et dans son étonnement se balançaient les vents.

La Dordogne est la rivière des Origines ;

Eve, aujourd’hui, la boulangère.

Non loin d’ici des enfants étendent

un mandala sur une place.

Tes yeux ont à me dire la création :

les lèvres du matin prononcent l’univers

dans un café intérieur.

Cercles du jour !

L’abri majeur du temps

prête son oreille à quelque tonalité.

Une femme t’embrasse.

Un homme te regarde.

Cercles du jour plus qu’humains !

Murs sensibles de l’intelligence amoureuse presque perdue !

Miracle des miettes qui soutiennent les moineaux !

Existence du rat, de la cuisine, de l’ordure…

et les paroles qui donnent la vie !

Bénédiction du sucre humble et familier !

Où est ici ? ¿dónde es aquí ?

N’est-ce pas ici la terre du ciel ?

On s’endort et la lune et les eaux

continuent leur cycle.

On se réveille et l’aventure de l’âme se programme

aussi dans le métro du lendemain.

Petit sentier de l’aube, Maître Géranium d’Avril,

Pierres Indiennes de Tastil, dites-moi :

est-ce la corne de la lune qui rend amoureux les corbeaux ?

(La radio du voisin clame la bonne nouvelle,

le Christ commande un croissant et un Côtes du Rhône.

Un criminel juge et condamne son égal.

L’Amazonie disparaît par la télévision.

Un bol tibétain renoue les vibrations

et la bourse de Tokyo est en baisse et en hausse)

 Désapprendre - déranger - confier - créer :

Tes yeux ont à me dire la création :

Lettre appliquée du monde

qu’on garde et qu’on lit en secret :

N’est-ce pas ici la terre du ciel ?

 

 

 

 

Texte original en français.


 

Como se llena de ramitas el río...

 

 

Como se llena de ramitas el río con un juego de niños,

De orilla a orilla prolonga el día su voz, que es la tuya.

No sé de las palomas que pasan por tu frente al dormirse la noche

Ni de las llaves que intentan atraparte para la otra vida.

Sé de las sílabas que infatigables corren los rieles en la sombra

Cuando la ciudad es tan sólo una isla insomne en la llanura.

Y por su acento va tu voz navegante, indeclinable y fértil,

Más próxima a la tierra que a las altas esferas invisibles.

Espectral como la llama que sube sin huellas ni pájaros

Te sigue mi vida por esos baldíos. Te sigue y no amedrenta.

Te sigue sin las pausas que imponen la cuerda, la camisa, el polen.

Es una y todas, es cierta y no: lúcida y ciega como este lomo del perro

                                                                                  en que el verso me fija.

¿Basta el verano con sus generosas veredas de frutos, sus paseantes,

Los estrepitosos lanzallamas, los flotantes pianos de las aguas,

Para inundar la noche y abandonar tu voz que es una esposa?

Voltea un alargado mugido el otoño desde su corral abrileño.

Ojeras de escarabajo, lágrimas de estar abajo siempre,

Apacentando la esperanza echada en el estiércol meses y meses,

Afiebrado entre sexos que encienden humaredas,

Sin posible ascenso, sin futuro retorno. Sólo miran

Atentos los brotes sumisos, la raíz inocente

    que estima a la araña, universal tejedora…

Amarra el día y salto a tierra. Reptan las estrellas

                                        en el agua al clarear

Tu voz, que es la del mundo.

 

 

 


 

Comme s'emplit de brindilles la rivière...

 

Comme s'emplit de brindilles la rivière par un jeu d'enfants,

D'une rive à l'autre le jour étend sa voix,

     la tienne.

Je ne sais pas des colombes qui passent sur ton front quand la nuit s'endort

Ni des clés tentant de t'arracher pour l'autre vie.

Je sais des syllabes dans l'ombre, courant inlassables les rails,

Quand la ville n'est dans la plaine, plus qu'une île sans sommeil.

Et par son accent va ta voix navigante, indéclinable et fertile,

Plus proche de la terre que des hautes sphères invisibles.

Spectre comme la flamme qui monte sans trace, sans oiseaux,

Ma vie te suit dans ces terrains vagues. Elle te suit sans peur.

Elle te suit sans les pauses que la corde, la chemise, le pollen imposent.

Elle est une, toutes; elle est vraie et non : aveugle et lucide  

                                     comme le dos de ce chien où les mots me fixent.   

L'été, ses trottoirs bienveillants de fruits, ses passants,

Les pianos flottants des eaux,  les lance-flammes bruyants,

Suffisent-ils à inonder la nuit, abandonner ta voix qui nous enchaîne ?

De son corral d'avril l'automne renvoie un long mugissement.

Cernes de scarabée, larmes des rabaissés,

Nourrissant l'espoir jour après jour couché sur le fumier,

Fébrile parmi les sexes où s'élèvent des fumées,

Sans ascension possible, sans futur retour. Seul le regard,

Attentif, des bourgeons soumis, de la racine

        innocente qui estime l'araignée, universelle tisserande...

Le jour amarre et saute à terre. Les étoiles

          glissent encore sur les eaux,

Quand s'éveille ta voix,

la voix du monde.

 

                                              


 

Entresilencios

 

 

Porque soy de esas mañanas que desgarran

la suma de los vientos en lo alto

y descienden verticales por la cruz

a la hoguera de los no  -deshabitados-

 

quieres palabras (el día las destruye)

yo quiero darme (el árbol coge sueños)

la sombra de una hoja en esas nubes

 

No puedo verme en esos ojos que todo lo distraen,

lluvia mujer sol y gris de abril que estira un canto,

un páramo que tras la voz desaparece llama

-es un espectro- va el traje maquillado y la sonrisa

tiene el rostro de un dios -alguien se cruza-

-o te comparte- es la infinitud de la nostalgia.

 
Porque soy de esas mañanas que desgarran

la suma olvidada de los vientos

 

quiero palabras (el día está contigo)

tú quieres darte

la sombra de una hoja en esos sueños.

 

En el sereno cuaderno de la paloma y la muerte,

en el deseado retiro de la uva y el pez,

con la sed de las rosas en tu nombre me persigno.

Un árbol como nubes -tu recuerdo- me cobija.

                                                   

 


 

 Entresilences

 

 

Parce que je suis de ces matins

qui la somme des vents déchirent

       dans les hauteurs

et descendent verticaux par la croix

vers le bûcher des non  - inhabités -

 

tu veux des mots (le jour les détruit)

je veux me donner (l’arbre prend les rêves)

l’ombre d’une feuille dans ces nuages

 

Dans ces yeux qui distraient tout je ne peux me voir ,

pluie femme soleil et gris d’avril qui étire un chant ,

un désert disparaissant flamme après la voix

‑ il est spectre - il va le costume maquillé le sourire

‑ il a le visage d’un dieu - quelqu’un traverse

‑ il te partage aussi - c’est l’infinité de la nostalgie.

 

Parce que je suis de ces matins

                                             qui déchirent

la somme oubliée des vents

 

je veux des mots (le jour est avec toi)

tu veux te donner

l’ombre d’une feuille dans ces rêves.

 

Dans le cahier serein de la colombe et de la mort,

dans l’enviable retraite du raisin et du poisson,

avec la soif des roses en ton nom je me signe.

Un arbre comme des nuages - ton souvenir - me protège.

 

 


 

Canción         

 

 

Debía escribir la reseca canción,

comer contigo en el restaurant de las amables cortinas y las flores

                                               mi tristeza,

sin cielo, la ronda de los pájaros.

¿Qué desierto, qué otra espuma, qué oración inútil de los organilleros

habría de convertir los días en canción?

Debía nombrarte,

debía escribir la reseca canción,

saber que en ella el mar,

el mar herido en esa hora en que todo se pierde,

el mar me buscaría como un amigo muerto en las fotografías.

 

Cálida, muy cálida arrastrando cipreses,

entraba la noche en Cuernavaca.

En el país de los ojos claros de la cama destendida

ella echaba aún raíces,

la cama bajo la luz del velador de sábanas rosadas en tu cuerpo.

Ella echaba aún raíces,

país de los ojos claros.

 

(Abrígame, apresúrate,

distrae mi razón de búho.

No soportaría otro otoño mi corazón entre estas gentes)

 

Ahora parte en metro, apresúrate.

Hasta la próxima estación se irá el recuerdo.

Para no dormirse  -la noche abre sus llagas-,

encenderá su radio, comprará 'ovaciones'*, fijará la vista duende

-un salto de venado- en la mujer del suéter amarillo,

en los abismos retrasados de su día,

en los otros sus otros naguales por los andenes.

Fijará la hora.

Anda, apresura la reseca canción, no la demores.

El afiebrado viento de las ventanillas en tu ropa, los pies húmedos,

el revólver que hunde su ojo de cíclope hasta el fondo del bolsillo.

(Acabará la noche con sus llagas en la mesa de la hormiga,

en la ojerosa sentencia de los vegetales)

¿Qué más color huía del abrigo?

(Acabará la amaestrada noche por el cielo apagado de las estaciones.

Cuatro uniformes azules bajarán su cuerpo)

No se soporta el aire.

Un Chac Mool nos ve pasar. Sonríe. El va sentado.

La policía, como un dios, nos quiere muertos.

 

Abrígame, apresúrate.

Entre las uñas crecidas anda el espíritu desconocido de mí.

 

Tacuba a las ocho.

Abren las puertas de la asfixia.

Unos indagan desaparecidos trajes.

Como ese mar oculto se ciñen infinitos a esta vida,

como ese mar de la canción reseca otros intercambian rostros

                                                             de muertes amigas.

 

Catch me.

Otra estación.

Un torrente oscuro derriba un puerto de hadas.

El novio vigila las faldas de la reina.

Escribo en la cabeza de una india mi poema e.

Cuitlahuac.

Abrígame, apresúrate,

proclama mi retiro,

no soportaría otro otoño mi corazón.

La cena en la Casa de los Escarabajos, recuérdalo.

La callada misión de hablar muy solo y quedo en los cuadernos.

Recuérdalo.

Suele llover en la rutina de los ángeles.

 

Debía escribir, comer contigo,

echar la suerte en el mantel de hule con los antiguos instrumentos,

con la mirada de la corneja que tienta su camino.

 

 


 

Ya, vámonos.

La ciudad que redime espera arriba.

Ya, salgamos.

Esta es la última boca.

Temblor otra vez. La mujer del suéter amarillo.

El violín de las manos destrozadas.

No me queda más este papel para nombrarte.

Recuérdalo,

la mujer que va a romperse ríos en las piedras del Zócalo

será ciega guitarra del desafinado ámbar.

Entre una lenta letra que no se completa

y el brindis de los espejos descubiertos,

el mensaje herido.

Recuérdalo,

suele llover en la rutina de los ángeles.

¡Nomás la amenaza de los elementos para que sea posible!

Nomás la amenaza, país de los ojos claros, de los elementos,

para que sea posible la canción,

la reseca canción que te debía.

 

México, D.F.

 

 

*ovaciones: periódico vespertino muy popular en México.

 

 

 

 

 

 


 

Chanson

 

 

Je devais écrire la chanson fanée,

dîner avec toi au restaurant des aimables rideaux et les fleurs

                                                       ma tristesse,

sans ciel, la ronde des oiseaux.

Un désert, une autre écume,  l'oraison futile

     des orgues de barbarie

auraient à faire des jours une chanson ?

Je devais te nommer,

je devais écrire la chanson fanée,

savoir qu’en elle la mer,

la mer blessée à cette heure où tout se perd,

la mer me chercherait comme un ami mort dans les photographies.

 

Chaude, très chaude traînant des cyprès,

la nuit entrait à Cuernavaca.

Dans le pays des yeux clairs du lit défait

elle s’enracinait encore,

le lit sous la veilleuse aux draps roses sur ton corps.

Elle s’enracinait encore,

pays des yeux clairs.

 

(Abrite-moi, dépêche-toi,

distrais ma raison de hibou.

Mon cœur ne supporterait pas un autre automne parmi ces gens)

 

Maintenant pars en métro, dépêche-toi.

Jusqu’à la prochaine station ira le souvenir.

Pour ne pas s'endormir  - la nuit ouvre ses plaies -

il allumera sa radio, achètera un journal, fixera la vue-lutin

- un saut de chevreuil -  sur la femme au pull jaune,

sur les abîmes en retard de sa journée,

sur les autres ses doubles magiques par les quais.

Il fixera l’heure.

 

 


 

Vas, hâte la chanson fanée, ne la retiens pas.

Le vent fébrile des fenêtres dans tes vêtements, les pieds humides,

un revolver enfonçant son œil de cyclope jusqu’au fond de la poche.

(Dans la sentence cernée des végétaux

s’achèvera la nuit avec ses plaies sur la table de la fourmi)

Quelle couleur de plus fuyait de l’abri ?

(S’achèvera la nuit domptée sur le ciel consumé des stations.

Quatre uniformes bleus descendront son corps)

L’air est insupportable.

Un Chac Mool nous voit passer. Il sourit. Il est assis.

La police, comme un dieu, nous préfère morts.

 

Abrite-moi, dépêche-toi.

Vague parmi les ongles noirs l’esprit inconnu de moi.

 

Tacuba à huit heures.

S'ouvrent les portes de l’asphyxie.

Certains interrogent des costumes disparus.

Comme la mer occulte ils s’accrochent sans fin à cette vie,

comme la mer de la chanson fanée d’autres échangent visages

                                                                      de morts amies.

 

Catch me.

Une autre station.

Un sombre torrent anéanti un port de fées.

Le fiancé surveille les jupes de la reine.

J’écris sur la tête d’une indienne mon poème e.

Cuitlahuac.

Abrite-moi, dépêche-toi,

proclame ma retraite,

mon cœur ne supporterait pas un autre automne.

Le dîner dans la Maison des Scarabées, souviens-toi.

La taciturne mission de parler seul, très bas dans les cahiers.

Souviens-t’en.

Il pleut parfois dans la routine des anges.

 

Je devais écrire, dîner avec toi,

tenter la chance avec les anciens instruments sur la nappe cirée,

le regard de la corneille qui cherche son chemin.

 


 

 

Allons !

La ville rédemptrice attend là-haut.

Vas, sortons.

C'est la dernière issue.

Encore un frisson. La femme au pull jaune.

Le violon aux mains détruites.

Je n’ai même plus ce papier pour te nommer.

Souviens-toi,

la femme se défaisant fleuves sur les pavés du Zócalo*

sera guitare aveugle dans l’ambre désaccordé.

Entre la lenteur d'un signe non accompli

et l’hommage aux miroirs découverts,

le message blessé.

Souviens-t’en,

il pleut parfois dans la routine des anges.

Seule la menace des éléments pour qu'elle soit possible !

Seule la menace des éléments, pays des yeux clairs,

pour que soit possible la chanson,

la chanson fanée que je te devais.

 

 

 

Mexique, D.F.

 

 

 

* Place principale de la ville de Mexique.


 

                   Reloj

 

Eran las ocho en el pasado por llegar

y andaban sobre el hueso preguntando

¿cuál el lugar donde no muere al menos

la tinta enmudecida de los versos?

¿cuál la cerradura, la bocanada ansiosa y complacida?

¿tanto fantasma merendando en la humedad

y usted en su reloj sin calendario?

¡Las ocho de lo triste, reloj con ligaduras!

Y usted cansado por los bronquios y los perros,

por los que ya no pueden más y se retratan novios

en los mortales poemas o las alamedas

de un México borroso por la suerte del milagro a medias.

Eran agujas cenicientas tus cánticos, reloj,

la putaluzla fingía amable en tu vidriera,

y reclamaban desde el hueso en el casi final de mi cuaderno:

¿por qué orilla voraz se va la sangre así desordenada

y el secreto escondrijo de uno mismo se deshace

y queda oscuridad y polvo en cuotas para el municipio?

¿fragmentar lo cotidiano, lo sagrado, lo ridículo y múltiple

y dárnoslo a comer como en la paz de un cuarto?

¿no ser lo otro, desear ser ello y traducir de a partes

la luna diciembre de los pájaros en la viudez del cielo,

un nuevo amor, un amor siempre,

y dárnoslo a comer como en la paz de nuestra mesa?

¡Las ocho de lo triste, reloj con ligaduras!

¡Las ocho de lo triste simplemente!

 


 

          Horloge

 

 

Il était huit heures dans le passé à venir

et ils allaient par les entrailles en demandant :

quel est le lieu où ne meurt pas

                                        au moins

l’encre taciturne des vers ?

quelle est la serrure, la bouffée d’air anxieuse et satisfaite ?

Tant de fantômes déjeunant dans l’humidité

et vous dans votre horloge sans calendrier ?

Huit heures de tristesses, horloge à ligatures !

Et vous fatigué par les chiens et les bronches,

par ceux qui n’en peuvent plus et se photographient

fiancés dans les allées de peupliers ou les mortels poèmes

d’un Mexique confondu par le sort d’un demi-miracle.

Tes cantiques, horloge, étaient aiguilles de cendre,

la putain-lumière jouait les complaisantes à ta vitrine

et des entrailles ils réclamaient dans la presque fin de mon cahier :

par quelle rive vorace s’en va le sang ainsi désordonné,

et notre secrète cache se défait-elle

et reste-t-elle obscurité et poussière

                                                en quote-part pour la mairie ?

fragmenter le quotidien, le sacré, le risible et multiple

et nous les donner à manger comme en la paix d’une chambre ?

ne pas être l’autre, désirer l’être et traduire par degrés

la lune décembre des oiseaux dans le veuvage du ciel,

un nouvel amour, un amour toujours,

et nous les donner à manger comme en la paix de notre table ?

Huit heures de tristesses, horloge à ligatures !

Huit heures de tristesses, tout simplement !


 

 Preguntan por las puertas...

 

Preguntan por las puertas,

por las llaves del mar,

el bostezo del barrio...

Contesto ahora en penitencia

bajo la igriega del árbol caído:

las ventanas pierden su ojo viajero en la calle muerta,

un albañil doma la resistencia de la tierra a la altura,

el rocío es negro y ciego como las bocas.

Veo el día entre las rejas

y allí están

la caricia oscura del miedo,

el instante de fuego, los presentimientos, la música casera

hablando en la cocina del más allá con olor a yerbiado en la lengua.

El cielo es un monstruo de sangre,

de sangre de cenizas;

oculta palpitación, palpitación remordimiento

Y el son del desvarío

Y el son de una mortaja

Y el son pasatiempo roe una mujer que atraviesa el río

   con un niño en brazos

Y el son pasatiempo roe una mujer que atraviesa un río

   con ventanas de musgo.

 

Ahora sí que la pregunta responda con lo que dicen todos:

frente a mí en mi silla de solo,

toco el papel donde yaces,

toco el papel que respira estiércol y serpentea sol este sol

este río hambriento con que se abre a las cosas la mañana

como un santo boca abajo

sin vejez en sus zapatos ni ataduras.

Ahora sí que la pregunta responda con lo que dicen todos:

ennegrecés, Pablo,

ennegrecés el aire a reja con que el mundo se inmoviliza ante tu puerta.

Orejeá al perro, bendecilo con tu sexo:

él comprenderá, es de los nuestros

(le habla al camión del verdulero como a un alma en pena)

comprenderá, te digo, como el suicida en pie

que acaricia el cajón donde sigue llorando.

 

 

 


 

Ils s'interrogent sur les portes...

 

Ils s’interrogent sur les portes,

sur les clés de la mer,

le bâillement du quartier...

Alors je réponds en pénitence

sous l'y grecque de l'arbre abattu :

l'oeil voyageur des fenêtres se fond dans la rue morte,

un maçon dresse la résistance de la terre à s'élever,

la rosée est noire et aveugle comme les bouches.

Je regarde le jour entre les grilles

et ils sont là,

la sombre caresse de la peur,

l'instant de feu, les pressentiments, la musique maison,

parlant dans la cuisine de l'au-delà

une haleine de maté dans la bouche.

Le ciel est un monstre de sang,

de sang de cendres ;

palpitation occulte, palpitation remords

Et le son du délire

Et le son du linceul

Et le son passe-temps ronge une femme traversant la rivière

                                 un enfant dans les bras

         Et le son passe-temps ronge une femme traversant une rivière

          aux fenêtres de mousse.

         Alors oui, que la question réponde à ce qu’ils disent tous :

         face à moi, sur ma chaise de solitaire,

         je touche le papier où tu gis,

         je touche le papier qui respire du fumier et serpente soleil ce soleil

         cette rivière affamée du matin s'ouvrant aux choses

         comme un saint à plat ventre

         sans vieillesse ni liens à ses chaussures.

         Alors oui, que la question réponde à ce qu’ils disent tous :

         tu noircis, Pablo,

         tu sombres l'air des grilles du monde

                                                                  immobile devant ta porte.

         Tire l'oreille du chien, bénis-le avec ton sexe :

         il comprendra, il est des nôtres

         (il parle au camion du primeur comme à une âme en peine)

         il comprendra, je te le dis, comme le suicide debout

          qui caresse le cercueil où il pleure encore.


 

 

Ceremonia  terrestre

 

 

Suena su canto de gracia el mediodía de la abeja.

Para llegar a ella, la melodía

ni se confunde ni se atrasa: se reposa

en la espera de su hora, silenciosa al instrumento.

No hay más que un paso para perder el paraíso,

no hay más que un pensamiento.

Aquél que arroja una piedra y hiere la quietud del agua,

se descubre entre los rostros que el espejo aún le ofrece.

El beso ha destruido el amor.

Las diferencias son proximidad.

(No habita el adiós las alas de los pájaros)

Abandonándose a la calma de un viento misterioso,

los cañaverales se despiertan flautas,

centro, música un día,

líneas del aire,

celebración cotidiana,

música o esfuerzo

por recrear los lazos lastimados, la vibración

primera e incesante que nos dice.

 

Como se acompasan las cosas lentamente

a la luz del alba en amoroso acuerdo;

como los ojos revelados otra vez y abiertos,

sinceros de día;

como un caballo de lluvia, un anuncio de rosas

o la mano que distingue y vela

sobre los caminos escogidos o los ahogados

latidos en el corazón de la espera…

la Musique, la Música,

elogio de la llanura henchida o tren de otoño

que nos acerca y lleva…

la música reloj del olvido que canta y llora entre las llamas…

la Musique, la Música,

ceremonia terrestre

                    destinada a errar como nosotros en este exilio fecundo.

 

 

 

Texto original en francés.
                                               
         

 

 

Cérémonie  terrestre

 

 

Le midi de l’abeille sonne son chant de grâces.

Pour être elle-même, la mélodie

ne se retarde ni ne se trompe, elle se repose

silencieuse dans l’instrument en attendant son heure.

Il n’y a qu’un pas pour s’égarer du paradis,

il n’y a qu’une pensée.

Qui jette une pierre et blesse la quiétude de l’eau,

se découvre parmi les mille visages que le miroir brisé lui offre.

Le baiser a détruit l’amour.

Les différences sont proximité.

(L’adieu n’habite pas les ailes des oiseaux)

S’abandonnant à la douceur d’un vent mystérieux

les roseaux se réveillent flûtes,

centre, musique un jour,

lignes de l’air,

célébration du quotidien,

musique ou effort

pour recréer les liens égratignés, la vibration

qui nomme, première et incessante.

 

Comme les choses amoureusement s’accordent

à la lumière lente de l’aube ;

comme les yeux encore une fois révélés et ouverts,

sincères de jour ;

comme un cheval de pluie, une annonce de roses

ou la main qui distingue et qui veille

sur les chemins élus ou, étouffés,

les battements au cœur de l’espoir…

la musique, la Música,

éloge de la plaine mûre ou train d’automne

qui nous porte et nous approche…

la musique horloge oubliée qui pleure et chante entre les flammes...

la musique, la Música,

cérémonie terrestre

vouée comme nous à errer dans cet exil fécond.

 

 

 

Texte original en français


 

Canto      

 

 

Todo viento la anuncia,

majestad del sueño.

 

Las hojas del banano,

los sifones celestes en el techo.

 

Todo viento…

 

En la pieza blanca, alegre

canta la cuerda de los caracoles.

 

 

Todo viento la anuncia,

perrito del farol.

 

(Esquina, almacén,

diente de leche

del corazón lejano)

 

Todo viento la anuncia,

Luna de Los Olmos,

y el preludio de las ranas

al amor feliz.

                   
 

Chant

 

 

 

Tout vent l’annonce,

majesté du rêve.

 

Les feuilles du bananier,

les bouteilles célestes sur le toit.

 

Tout vent…

 

Dans la pièce blanche, joyeuse

chante la corde aux coquillages.

 

Tout vent l’annonce,

petit chien du lampadaire.

 

(Coin de rue, épicerie,

dent de lait

du cœur lointain)

 

Tout vent l’annonce,

Lune de Los Olmos*,

et le prélude des grenouilles

à l’amour heureux.

 

                                                   

 

 

*Quartier de Córdoba.

 

 

 

                                                                               


 

 

(C) Pablo Urquiza